L’article 226-14 du Code pénal présente le cadre légal de signalement des patients qui « détiennent une arme » ou qui « ont manifesté l’intention d’en acquérir une« , constituant une troisième dérogation au secret professionnel insérée, en son troisième alinéa.
Cet alinéa, ajout de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, dispose :
« L’article 226-13* n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L.226-3 du code de l’action sociale et des familles, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »
* L’article 226-13 traite de l’infraction de violation du secret professionnel
Stricto sensu, et pour ne se cantonner qu’à ce seul point de droit, vous avez la possibilité d’effectuer un signalement auprès du Préfet des patients qui « détiennent une arme » ou qui « ont manifesté l’intention d’en acquérir une« .
Il s’agit là d’une possibilité de signaler ces situations visées audit article, et non une obligation. Ce que certains juristes ont pu qualifier « d’option de conscience ».
Sur la forme, pas de précisions légales ou réglementaires. Un courrier peut ainsi être adressé (avec la précaution d’en conserver une copie) au Préfet (qui est la personne visée dans le texte pénaliste dérogatoire).
Sur le fond du courrier, le bon sens vient en dicter le contenu, en l’absence également de précisions légales ou réglementaires. Il va de soi, par exemple, qu’un minimum d’informations doit être délivrée auprès de cette autorité administrative : identité du patient ; domiciliation ; éléments factuels relatifs à la découverte de l’information de la possession d’armes ou de l’intention d’en acquérir ; identification et énumération (éventuelles) des armes … .
Il convient impérativement de préciser le cadre légal, ce possible signalement constituant une dérogation au secret professionnel. Le premier paragraphe du courrier pourrait être le suivant : « J’ai l’honneur de vous informer, en ma qualité de ——- , et en application de l’article 85 de la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, du caractère potentiellement dangereux d’un patient qui détient une arme et/ou – à corriger selon la situation – entend vraisemblablement en acquérir une autre ».
Enfin, la loi ne souffle mot sur la qualité de l’auteur du courrier, évoquant les « professionnels de la santé ou de l’action sociale« .
Valériane DUJARDIN – LASCAUX
Juriste, EPSM Lille Métropole