Le Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la Psychiatrie a présenté un recours gracieux au Ministère de la santé contre l’’instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d’isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisées en psychiatrie.
Le CRPA estime que la décision prise par un psychiatre d’isoler ou de contenir un patient doit être motivée, étant une décision restrictive de liberté, et juridiquement une « décision faisant grief ».
Devraient alors s’appliquer les dispositions légales relatives aux décisions faisant grief à savoir la motivation de la décision du psychiatre, d’une part, et l’application du principe du contradictoire, d’autre part. Le patient devrait se voir remettre une décision motivée, présentant par la même les droits et voies de recours dont il dispose dans le cadre d’un entretien au cours duquel il doit être mis à même de faire valoir ses observations.
Telles sont à ce jour les modalités de mise en œuvre de la loi 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques : dès lors qu’une personne est admise en soins sans consentement, elle se voit notifier la décision d’admission émanant du Directeur de l’établissement d’accueil ou du Préfet, décision qui doit être motivée (assise juridique posée par la loi du 11 juillet 1979 : motivation des décisions dites « défavorables » telle la restriction à la liberté d’aller et de venir). Elle doit être informée de sa situation juridique, de ses droits et voies de recours, et doit être mis à même de faire valoir ses observations en application de la loi du 12 avril 2000 (respect du principe du contradictoire).
En outre, le CRPA considère que les mesures d’isolement et de contention doivent être soumises au contrôle du Juge judiciaire qui est le gardien des libertés individuelles.
Le recours gracieux a été adressé le 09 mai 2017.
-> Lien pour accéder à la motivation du recours : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/2017-05-09-ajnng-Instruction-ministerielle-sur-l-isolement-contention-Recours-gracieux-du-CRPA
Le Conseil d’État vient de se prononcer, et rejette le recours du CRPA.
Le Conseil d’État indique en effet que l’instruction n’est juridiquement pas un acte ayant un caractère impératif : » (…) 3. L’interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en oeuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief. (…) ».
De cette façon, » (…) 4. L’instruction attaquée, en ce qu’elle ne précise pas la procédure à suivre pour prendre des mesures d’isolement ou de contention et ne comporte aucune indication quant à la possibilité de les contester par un recours juridictionnel, ne peut qu’être regardée comme dénuée de caractère impératif sur ces points. (…) ».
Le Conseil d’État n’a ainsi pas tranché sur le fond n’examinant que la nature juridique du document (une instruction) pour considérer qu’un tel document » ne s’impose pas », ne fait pas grief.
-> Lien pour accéder à la décision du Conseil d’État : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037188981&fastReqId=220256175&fastPos=10
A ce jour, la Cour de cassation ne s’est toujours pas prononcée sur la question du formalisme de la décision d’isolement et de contention , ni sur la compétence du JLD en ce domaine.
Valériane DUJARDIN – LASCAUX
Juriste, EPSM Lille Métropole